L’accusée victime, partie 2

La nouvelle vie de Béatrice.

Le soir du 15 août, Béatrice a marché à côté de Christophe jusqu’à la tente de ce dernier. Cela faisait 10 jours qu’elle avait trouvé une place en foyer : le centre d’hébergement et de réinsertion sociale. Ce centre est un foyer pour femmes battues qui dispose de caméras de surveillance extérieures et de consignes particulières pour éloigner les hommes violents désireux de reprendre le pouvoir sur leur compagne. Ainsi, si Christophe appelait, le membre du personnel qui répondait devait lui dire qu’il n’y avait aucune Béatrice dans ce foyer. 

Lors de l’enquête de personnalité, Béatrice avait expliqué que Christophe la retrouvait toujours.

Mais Christophe n’a jamais appelé et n’est jamais venu. Était-ce en raison d’un manque de moyen ou tout simplement parce que ce que faisait Béatrice de sa vie ne l’intéressait pas ? 

Arthur, l’infirmier qui intervient tous les jours au CHRS, prodiguait des soins quotidiens à Béatrice pour ses jambes. Elle lui parlait souvent de Christophe et lui racontait la violence, parfois en étant alcoolisée. Si Arthur ne voit que ses jambes, cela lui suffit à constater la réalité de la violence. Les plaies guérissaient grâce à ses soins pour finalement s’aggraver du jour au lendemain. Cette fois, l’amélioration physique et morale avait continué jusqu’au 16 août.

Agathe, l’éducatrice spécialisée référente de Béatrice, expliqua à la barre que bien que Béatrice dormait quasiment toutes les nuits au foyer depuis son arrivée le 4 août, elle mangeait peu et s’était mise à parler de suicide peu de temps avant le meurtre. Elle lui racontait son enfance, son rapport à l’alcool et aux hommes, à quel point Robert « le polonais » avait compté pour elle et son souhait de se détacher de Christophe, tout en étant incapable de vivre seule : « Pour Béatrice être aimée c’est primordial, c’est une forme de dépendance ». 

A la présidente qui lui demandait pourquoi elle était revenue malgré les coups et son nouvel hébergement, Béatrice répondit par l’habitude, l’amour et l’empathie de le savoir sous une tente pendant qu’elle était au chaud. Et par crainte que Christophe ne se blesse et l’accuse elle. Réflexion qui me fit lever un sourcil car outre le caractère malsain de la chose, je n’avais pas l’impression que Christophe ait été capable d’établir une stratégie contre sa compagne. Et dans quel but ?

En mars 2016, le couple avait été hébergé dans un foyer destiné aux sdf. Peu de temps après leur arrivée, un éducateur a surpris Christophe en train d’étrangler Béatrice avec son bras, calmement et sans bruit. Il a reculé avec la même tranquillité lorsque l’éducateur l’a saisi par les épaules pendant que Béatrice pleurait.

En principe, lorsqu’un incident survenait avec l’un des membres d’un couple, c’était le couple en entier qui devait quitter le foyer. Mais ici, Béatrice a pu rester puisqu’elle était en danger.

A cette occasion, la police lui avait demandé de venir porter plainte. Le lendemain, elle ne s’était pas présentée au poste de police et le foyer apprit à l’agent en charge du dossier qu’elle était partie.

Pourquoi quitter un lieu d’hébergement chauffé et sécurisé pour rejoindre un compagnon violent au point de commettre des gestes criminels ? « On ne pouvait rien faire l’un sans l’autre » lâcha Béatrice.

Béatrice s’était également plainte des viols qu’il lui faisait subir. Elle avait même porté plainte contre lui mais l’infraction ayant été insuffisamment caractérisée, la plainte avait été classée sans suite.

Le seul témoin potentiel de ces viols s’appelle Ibrahim. En 2017, cet homme qui faisait la manche a accepté d’héberger le couple. Et si une nuit il a bien été réveillé par des cris, il a cru à des coups de Christophe sur Béatrice comme il avait pu le voir auparavant et s’était rendormi.

Par contre lorsque Ibrahim avait été entendu par la Police à l’occasion de la plainte pour viol, il avait lui aussi eu envie de porter plainte. Mais non pas contre Christophe, non,  contre le couple qui le forçait à dormir par terre et le frappait.

D’ailleurs Béatrice reconnut lors du procès avoir déjà été violente envers son compagnon.

Levant mon nez de mes notes et interrogeant mon ami journaliste du regard, je compris que lui aussi voyait germer un doute dans son esprit.  Béatrice était-elle seulement une victime ?

La violence et les mensonges de Béatrice.

Tout au long des témoignages, Christophe apparaissait clairement comme le dominant. Et il est vrai que sur 12 plaintes pour troubles sur le parking du Carrefour City, 8 mettaient directement en cause Christophe.

Le dominant du couple toxique donc.

Sauf pour le dernier témoin.

L’assistante sociale du CCAS d’Haubourdin n’a connu le couple qu’un mois avant la mort de Christophe.

Connaissant la réputation de ce dernier, la 1ère fois qu’elle les a reçus, l’assistante sociale a demandé la présence de la police municipale. Et comme cela se passait bien, elle a continué à recevoir le couple sans la police.

Béatrice avait des hématomes aux yeux et aux épaules. Mais elle parlait en toute liberté et était plus à l’aise que Christophe face à l’assistante sociale.

Parfois elle avait des marques d’affection envers Christophe. Parfois elle le traitait de gros sac.

L’assistante sociale n’aura vu Béatrice que 3 fois et si elle avait été agréable la plupart du temps, la dernière fois qu’elles se virent Béatrice quitta le rendez-vous en claquant la porte. L’assistante sociale lui avait refusé une aide alimentaire.

Un jour l’hôtesse d’accueil du CCAS lui confia avoir vu Béatrice frapper Christophe.

Le 26 juillet, le CHR a appelé l’assistante sociale pour l’informer de l’hospitalisation de Béatrice, en raison d’une bagarre alcoolisée.

C’est ainsi que cette assistante sociale est devenue la confidente de Christophe. Il venait tous les jours au CCAS lui parler. Parfois l’assistante voyait son ivresse, parfois non, mais de ses dires, il avançait bien. Il était soulagé d’avancer sans Béatrice. D’après lui, un jour elle avait demandé à 3 roms de le frapper. Etait-ce le délire d’un alcoolique ou le craquage d’une femme battue qui n’en pouvait plus ?

Un jour, Christophe a dit à l’assistante sociale que cette relation bizarre finirait mal. Avait-il senti que le point de non-retour s’approchait de plus en plus ?

Le 25 juillet, Christophe se sentait mal. C’était l’anniversaire de leur fille, de celle que Béatrice lui avait raconté avoir eu de lui et dont la naissance avait eu lieu lors d’un séjour en prison de cette dernière.

Christophe expliqua qu’elle s’appelait Nina mais qu’il n’avait pas de photo d’elle. Béatrice confirma, précisant à l’assistante sociale que la petite vivait en Normandie chez une tante. Elle avait offert à Christophe un doudou d’enfant qu’elle avait présenté comme étant celui de leur fille. « Ta petite c’est toute ta tronche » lui a-t-elle dit devant l’assistante sociale.

Quelques jours plus tard, seul avec l’assistante sociale, Christophe s’effondra en larmes en tenant la petite couverture d’enfant. Cet homme dont le désir de paternité était indéniable, souhaitait récupérer la garde de son enfant.

Et puis vinrent les doutes qu’il confia à l’assistante. Nina existait-elle vraiment ou était-ce une manipulation de Béatrice basée sur un mensonge ?

Sans lui dire, l’assistante sociale fit des recherches pour retrouver l’enfant.

A l’une des éducatrices du foyer de femmes, Béatrice avait dit que ses tatouages étaient les prénoms de ses enfants morts.

Mais Béatrice n’a jamais eu qu’une seule enfant, devenue une adulte et dont le père n’était pas Christophe.

L’experte psychologue considérera que ses mensonges pouvaient être une façon d’attirer l’attention. Qu’ils pouvaient être dus à l’alcoolisation massive. Ce que réfutait le psychiatre venu déposer la veille. Pour lui, les mensonges de Béatrice étaient une construction imaginaire mais n’avaient rien de pathologique.

Nina aurait-elle été créée un jour d’ivresse comme moyen de pression sur un homme violent qui mourait d’envie de devenir père ? Béatrice s’est-elle sentie obligée d’enrichir ce mensonge, prise à son propre piège ou était-ce son arme pour maintenir à ses côtés l’homme qui lui faisait du mal mais qu’elle ne cessait d’aimer ?

Dans son box, Béatrice écoutait l’assistante sociale en se murant dans son silence.

Pour le psychiatre, ni Béatrice ni Christophe n’avaient été forcément toxiques mais il s’agissait bien d’un fonctionnement pathologique du couple, d’une dépendance affective qui avait conduit au pire. Et qui existait encore. Parfois Béatrice, qui dit être restée dans cette tente depuis tout ce temps, se réveille et croit voir dormir Christophe à ses côtés.

Ça n’était pas la 1ère fois que Béatrice se trouvait dans le box des accusés. Depuis 1992, Béatrice avait été mise en cause dans 21 procédures judiciaires.

Son casier comportait 9 condamnations dont 4 pour des faits commis avec violence. Parmi toutes ces condamnations, au-delà de la plus grave qui lui vaudra 4 ans de prison ferme (séquestration et vol avec violence en réunion), on retint en particulier celle pour violence sur conjoint. Dans le fichier de la police qui répertoriait également les plaintes sans condamnations, figurait notamment un acte de violence sur Robert. Robert  le polonais, l’homme le plus important pour elle, son protecteur à propos duquel ni l’accusée ni la police n’ont jamais fait mention d’une quelconque violence sur autrui.

Le meurtre de Christophe.

Béatrice n’était pas au foyer au matin du 13 août 2017. A Agathe, son éducatrice référente, elle dit qu’elle avait passé la nuit aux urgences en raison de deux côtes cassées par Christophe. Elle avoua plus tard ne pas avoir été à l’hôpital. Les côtes cassées reviennent souvent dans le récit de Béatrice sans qu’il n’y ait jamais de preuves de leur réalité. Un jour elle dit qu’elle avait entendu ses côtes se casser, ce qui d’après le médecin légiste et ma propre expérience, directe et indirecte, est techniquement impossible.

Il est indéniable que Christophe pouvait être violent avec elle mais Béatrice mélangeait-elle les dates des blessures à cause de l’alcool ou exagérait-elle certains actes ?

Le soir du 14 août, Béatrice est revenue au foyer très alcoolisée et a beaucoup parlé de suicide à Agathe, son éducatrice attitrée.

Le lendemain soir, Béatrice n’est pas rentrée dîner au foyer. L’équipe a tenté de la joindre sur son portable, il était éteint. Quelques temps plus tard, l’ami qui était venu avec elle au Carrefour secouer Christophe, Fred, appela le foyer afin de parler à Béatrice. Bien que l’équipe lui ait dit qu’il n’y avait pas de Béatrice, il rappela plus tard. Etrangement, ça n’était plus son numéro de téléphone qui s’affichait  mais celui du portable de Béatrice.

Au même moment, deux policiers qui patrouillaient dans Haubourdin ont vu Béatrice leur faire de grands signes depuis un trottoir, non loin du parc.

Elle leur a expliqué qu’une bagarre entre sdf avait eu lieu sur un parking et que le sdf blessé avait refusé son aide. Elle parlait avec calme aux policiers qui tentèrent ensuite de trouver le dit sdf sur un parking, en vain puisque Christophe était ailleurs.

On ne sait pas ce que Béatrice a fait par la suite parce qu’elle-même n’en a aucun souvenir. Peut-être a-t-elle dormi chez son ex, Ramdam. D’après lui, elle a ensuite quitté le domicile à 1h du matin.

Un seul début de piste : le soir du meurtre, le téléphone de Béatrice a borné à Roubaix. Fred est le seul roubaisien que Béatrice connaît. Ils couchaient parfois ensemble d’après Fred, qui précisa également que Béatrice donnait de temps en temps des gifles sans raison.

Sans confirmer la présence de Béatrice avec lui ce soir-là, Fred ajouta qu’il n’avait jamais eu son téléphone entre les mains, malgré son appel au foyer, et termina son audition par une rumeur selon laquelle deux hommes tenaient Christophe pendant que Béatrice lui assénait des coups de couteaux. La police a cherché un temps de ce côté sans rien trouver.

Le lendemain matin, le 16 août, la police reçu un 1er appel à 9h45. Une femme confuse demandait des nouvelles d’un sdf agressé la veille sur un parking. Un second appel intervint 30 minutes plus tard. Son auteur, une éducatrice qui travaillait dans un foyer pour femmes battues, rapporta que l’une des pensionnaires avait avoué avoir porté des coups de couteau à un sdf après une agression. Le sdf s’appelait Christophe et vivait dans un parc à Haubourdin.

A l’autre bout du fil, le policier était perplexe. Devant lui se trouvait le gérant du Carrefour City d’Haubourdin qui souhaitait déposer plainte pour des menaces de mort dont l’auteur n’était autre que Christophe. Et puisque rien n’avait été signalé par la patrouille de nuit, le policier ne pris pas ces appels au sérieux.

C’est à 19h55 le même jour que le chien de deux promeneurs trouva le corps de Christophe.

La présidente fit projeter la photo du corps et de la tente dans laquelle la police dut faire fi de la saleté extrême et des innombrables insectes lors de l’enquête.

Dans le box de l’accusée comme sur le banc des parties civiles, les deux femmes qui avaient aimé Christophe pleurèrent en silence. Ce même silence qui régnait au moment des faits, dans un endroit reculé du parc d’où les voisins n’entendirent rien.

Sous une couverture placée par on ne sait qui, Christophe tenait dans sa main gauche un couteau dont la lame faisait 10 cm. Son tee-shirt était troué à deux endroits et légèrement tâché de sang.

Béatrice fut interpelée le lendemain matin. A 11h elle est déjà à 1,28 gramme d’alcool et s’étonna lorsque son éducatrice l’informa de l’arrivée de la police. Son adn avait été retrouvé sur le manche du couteau et sous les ongles de Christophe. Plus tard, le sang de ce dernier fut découvert sur le blouson de Béatrice.

Placée en garde à vue, Béatrice cria au major chargé de l’entendre « Oui je l’ai tué et s’il fallait recommencer, je le referai ! ».

Le major attendit le lendemain que Béatrice ait décuvé. Sur les conseils de son avocate, elle garda le silence avant de finalement choisir de parler.

Béatrice a toujours indiqué avoir été l’auteur des coups mortels.

Le soir des faits et d’après l’accusée, la victime et elle auraient échangé des insultes pendant 30 minutes. « On se bagarre un peu dans la tente, on se pousse, il me casse des côtes ». La présidente fait remarquer à Béatrice que ses blessures aux côtes étaient plus anciennes.

Plusieurs fois à l’audience, Béatrice dira que ce jour-là, Christophe lui a cassé des côtes. Est-ce l’alcool qui a abimé sa mémoire ou est-ce le désir inconscient de faire admettre aux jurés qu’elle a agi par légitime défense ?

A l’audience, elle dit qu’il l’avait menacé d’un égorgement. A la présidente qui s’étonnait d’entendre ceci pour la 1ère fois depuis son arrestation, Béatrice ne confirma pas ses propos mais ajouta « Ce jour-là j’ai vu la mort dans ses yeux, c’était lui ou moi ».

Cette tentative d’égorgement était partie aussi vite qu’elle était venue.

D’après Béatrice, Christophe s’était approchée d’elle, couteau à la main. En le bousculant, elle parvint à lui faire lâcher le couteau, le ramassa avant lui et frappa.

Le reste est vague dans sa tête, au point de verser dans le mensonge (elle dira qu’elle avait indiqué l’endroit précis du drame à la police).

Christophe était à 4,77 grammes d’alcool au moment du drame. D’après le médecin légiste et même si le coma éthylique est possible à partir de 3 grammes, Christophe était suffisamment habitué à l’alcool pour se comporter presque normalement. Il a même pu d’ailleurs porter des coups. La défense utilisa bien sûr cet élément tout au long du procès.

Une chose néanmoins fit lever mon sourcil gauche : voilà un homme suffisamment habitué à l’alcool pour être capable d’attaquer, mais non de se défendre face à une attaque au couteau ? Car en effet, le corps de Christophe ne portait aucune trace de défense. Oui, l’alcool a pu altérer sa conscience et ses mouvements, mais s’agissant d’une personne qui d’après l’accusée était prête à la tuer, n’est-ce pas quelque peu surprenant ?

Nous n’étions pas au bout de nos interrogations. Alors que le corps de Christophe présentait 3 plaies distinctes, son tee-shirt lui n’a été perforé que 2 fois. Pour le médecin légiste, il n’existait que deux explications : soit ce sont deux coups de couteau qui ont engendré le même trou dans le tee-shirt, bien que les sorties dans le corps soient différentes, soit le tee-shirt a été soulevé au moment d’une lutte. Mais qui aurait soulevé ce tee-shirt ? Christophe voulant voir quelles étaient ses 2 premières blessures ? Béatrice dans un geste inexplicable ? A ce jour le mystère demeure entier.

Enfin, lors de la reconstitution, Béatrice livra une version dont un détail me sembla improbable et m’interpelle encore aujourd’hui.

Le couteau ne se serait planté dans le sol, comme Béatrice l’évoqua ensuite à l’audience, mais Christophe l’aurait tenu côté lame avant qu’elle ne s’en empare par le manche.

Personnellement, il ne me viendrait pas à l’idée de tenir un couteau côté lame, encore moins si j’avais l’intention de tuer quelqu’un.

Et définitivement pas si j’avais dû mettre ce couteau sous la gorge de la personne que je menaçais comme l’avait pourtant affirmé plusieurs fois Béatrice. Laquelle ne mima pas ce geste lorsqu’elle dû imiter Christophe depuis ce box vitré.

Difficile de démêler le vrai du faux, de savoir si Christophe a réellement été menaçant ou si le geste de Béatrice était plutôt la réaction d’une femme battue qui ne pouvait plus le supporter.

Par plusieurs fois, Béatrice a laissé sous-entendre qu’en plus de l’alcool, Christophe se droguait. Aucune trace de drogue n’a été retrouvée chez lui.

Béatrice indiqua également aux policiers qu’elle dormait dans cette tente tous les soirs, ce qui était faux, comme la clé de bras que Christophe lui aurait fait avant qu’elle ne le frappe (pour avoir déjà subi une clé de bras, il est impossible de bouger ensuite). Elle avait décuvé lors de son audition par la police, alors pourquoi mentir ? A-t-elle besoin de mentir par moments ?

La présidente la mit d’ailleurs devant ses contradictions : « On peut se demander si le reste est vrai ». Béatrice répondit par l’affirmative, considérant que les questions des policiers l’avaient embrouillée.

Alors comment expliquer qu’au début du procès elle ait à nouveau indiqué que Christophe avait été blessé au dos par ce même couteau, alors que personne ne l’avait pressée de questions ?

Une chose est sûre, Béatrice n’aime pas les questions. Celles de la présidente s’enchaînent aussi vite que le cerveau de Béatrice se mélange les pinceaux, trébuchant dans ses propres mensonges, qu’il s’agisse de ses relations amoureuses, de la police et de la nuit qui suit le meurtre, jusqu’à provoquer le silence de la totalité des personnes présentes en lâchant, pour expliquer l’obsession de Christophe pour la paternité, qu’elle avait été enceinte au début de leur relation. A 54 ans.

Les mystères reprennent avec les couvertures qui couvraient le corps de Christophe, au point que les promeneurs l’avaient enjambé avant de comprendre qu’il s’agissait d’une personne. Qui les a mises là ? Béatrice nie tout geste mais quel aurait été l’intérêt pour un tiers de retarder la découverte du corps ?

Le médecin légiste expliqua que Christophe avait pu retirer le couteau lui-même, voire se couvrir des couvertures. S’agissant d’une mort qui arrive dans les minutes qui suit et dans la mesure où les couvertures le recouvraient intégralement, jusqu’au haut de la tête, il est permis d’en douter.

Les réquisitions de l’avocate générale et de celle de la défense porteront notamment sur la légitime défense, l’une et l’autre ayant évidemment des positions diamétralement contraires.

Tout en rappelant sous le regard sévère de l’accusée, qu’il était indéniable que cette dernière avait été victime des coups de Christophe, qu’elle était également capable de violences et de mensonges, l’avocate générale demanda 12 ans de réclusion criminelle. La peine était faible pour une intention de donner la mort, preuve que l’avocate générale tint compte des violences de la victime subies par l’accusée.

La défense de son côté ira jusqu’à insinuer que l’assistante sociale entretenait une relation dépassant le cadre professionnel avec la victime. Personnellement, je n’ai pas trouvé ça très classe. Le nom de Jacqueline Sauvage fut évidemment lâché, le procès de la police fait, la lecture de l’autopsie revue et l’un des avocats tenta de provoquer une identification des jurés à Béatrice, osant même un « C’est humain de se tromper ».

La mère de la victime était toujours là.

Elle et Béatrice pleurèrent à nouveau en silence durant les réquisitions.

En sortant de la Cour d’assises, pendant que les jurés délibérés, j’interrogeais mon ami : tout en étant soulagé de ne pas être à leur place, quelle décision prendrait-il à la place des jurés ?

Béatrice a été battue par la victime mais avait visiblement elle aussi sa part d’ombre. Tristement, je me suis dit qu’être en prison permettait au moins à Béatrice de dormir sous un toit.

Quelques heures plus tard, Béatrice fut condamnée à 8 années de réclusion criminelle pour le meurtre de son compagnon.